Entreprise et Culture en Suisse et dans le Monde arabe

« La culture, c'est ce qui reste dans l'esprit quand on a tout oublié » disait l’homme d’Etat français Edouard Herriot. Cette citation se vérifie particulièrement dans l’entreprise où la culture est un puissant vecteur de performance. Rappelons-nous l’émergence du Japon, en tant que puissance économique, dans les années 80 qui est venu remettre en cause le leadership industriel des Etats-Unis sur le marché automobile mondial. A l’époque on parlait de management par la culture pour expliquer le succès fulgurant des nippons dans l’économie mondiale.

Mais quid des différences culturelles entre les entreprises en Suisse et celles du Monde arabe ?

Dans le cadre de l’étude « Pluralisme culturel et identité nationale » l’universitaire suisse Alexander Bergmann, chercheur à l’université de Lausanne, tente une extrapolation des principaux traits de la culture d’entreprise en Suisse à partir des principes fondateurs de la culture sociétale suisse.

Bergmann identifie quatre principes fondateurs de la culture suisse qui mettent en avant des valeurs comme l’équilibre, le pragmatisme et l’ordre.

  1. La recherche d’équilibre et de continuité
  2. La complémentarité et la recherche de point d’équilibre
  3. Le pragmatisme
  4. Le goût de l’ordre et du sérieux

A partir des entretiens menés par l’universitaire, sept traits culturels communs à l’entreprise suisse émergent.

  1. La valeur du travail dépasse sa finalité économique
  2. L’entreprise est une communauté d’intérêt, un lieu de consensus
  3. La hiérarchie est acceptée en considérant ses différents niveaux comme complémentaires
  4. Les processus de décision privilégient la consultation des personnes directement concernées
  5. L’individu est respecté et justifie la marge de manœuvre dont il jouit par son sens des responsabilités
  6. On préfère le changement permanent et progressif aux ruptures et aux bouleversements
  7. On évite les conflits ouverts


Il ressort de l’étude de Bergmann que le travail est une valeur centrale dans la culture d’entreprise en Suisse qui privilégie le consensus autour d’une communauté d’intérêt au conflit. Le système de leadership est de type consultatif et allie respect de la hiérarchie et consultation des membres de l’entreprise dans la prise de décision. L’individu se trouve donc au centre de l’entreprise par le champ de manœuvre qui lui est accordé en comptant sur son sens des responsabilités. Enfin, loin d’être statique, l’entreprise suisse préfère le changement à condition qu’il n’entraîne pas de ruptures.

Les traits culturels de l’entreprise suisse influencent indéniablement la qualité des produits et des services délivrés qui sont connus mondialement pour leur excellence et la rigueur de leurs processus de fabrication.

Qu’en est-il maintenant des entreprises dans le Monde arabe ?

Même si on ne pas peut parler de culture de l’entreprise arabe étant donné les différences culturelles parfois profondes entre les différents pays arabes (en particulier entre l’Orient et le Maghreb), nous pouvons retenir quelques traits communs qui caractérisent ce que l’on pourrait désigner comme étant la « culture orientale » qui puise son sens dans l’héritage culturel commun des peuples arabes, essentiellement fondé sur l’omniprésence du religieux, le poids du communautarisme et un certain conservatisme managérial.

Selon une étude menée par des chercheurs tunisiens dans le cadre du projet Globe, les pays arabes présentent une importante homogénéité sur le plan culturel. Les chercheurs parlent même d’un « management arabe » pour désigner le style management de ce qu’ils appellent le « groupe arabe », soit les pays arabes qui ont été retenus dans le cadre de ce projet et qui sont l’Egypte, le Koweït, le Qatar et le Maroc.

Les pratiques managériales dans les sociétés arabes sont influencées par l’islam, les traditions tribales, l’héritage colonial, les influences occidentales et l’intervention étatique.

Les chercheurs du projet Globe affirment que plusieurs auteurs ont montré que la structure principale de l’organisation sociale arabe est essentiellement hiérarchique et traditionnelle. Ce qui reflète relativement une représentation de la famille et des liens sociaux qui influencent la société. Ainsi, les pays arabes se caractérisent par une longue distance hiérarchique. Par ailleurs, savoir, argent et pouvoir vont de pair. Le pouvoir trouve sa source dans la famille, les amis, le charisme et l’utilisation de la force.

Geert Hofstede, le célèbre chercheur néerlandais qui a consacré sa carrière à l’étude des différences culturelles dans le management, fut l’un des premiers à étudier la pratique du management dans les pays arabes. Il identifie une longue distance hiérarchique, un haut degré de contrôle de l’incertitude, un degré important de masculinité et un faible niveau d’individualisme.

Lors de la prise de décision, les managers arabes ont tendance à être peu participatifs tout en cherchant le consensus à travers des styles consultatifs. En général, le management dans les pays arabes est marqué par le manque de planification, la faiblesse des politiques à long terme, la centralisation excessive dans la prise de décision et l’absence de lignes claires d’organisation.

Il ressort de ces diverses recherches des différences majeures entre le management en Suisse et dans le Monde arabe. Alors que le second est assez traditionnel et clanique, le premier intègre parfaitement la notion de changement et accorde une place privilégiée à l’individu pour l’assumer. Au contraire, ce dernier est plutôt assujetti à une autorité traditionnelle dans le monde arabe. On retiendra toutefois, le sens du consensus dans la prise de décision présent tant dans les entreprises suisses que dans celles arabes. Finalement, l’entreprise quelle que soit sa culture d’origine, n’est-elle pas d’abord une affaire de bon sens ?

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